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Sophie Dzierzynski
"MUSIQUES A VOIR" - LAAC, Dunkerque.
De la synesthésie à la correspondance structurelle


Si un arbre tombe dans une forêt et que personne n’est là pour l’entendre, est-ce qu’il fait du bruit ? Si l’on en croit la définition du mot son, il n’est qu’une sensation auditive engendrée par une onde acoustique. Autrement dit, le son n’est que le symptôme d’un phénomène, le résultat d’une perception.

Wellenwanne, de Carsten Nicolai, présente ce phénomène à travers un prisme perceptif différent de l’oreille, celui de l’eau. L’eau remplace l’oreille, et on peut voir, à sa surface, les ondes sonores se transcender en ondes aquatiques. Par cette installation, nous sommes à même d’appréhender le son par la vue et de le regarder tel qu’il est. Cette démonstration physique et scientifique est produite par des appareils, tout comme l’est la science de l’acoustique. Il est une chose qui ne peut s’étudier selon des critères scientifiques et qui relève du domaine de l’humain : l’impact émotionnel de la musique. Les autres artistes de cette salle ont restitué leur propre perception du son, de la mélodie ou de la musique, à travers cette fois le prisme de leur ressenti.

Jacques Hue a une approche tout à fait sensorielle de la musique. Ses œuvres portent le nom des musiques auxquelles elles correspondent, ou plutôt avec lesquelles elles dialoguent. Son travail n’est pas structurel. En effet il ne soumet ses formes et ses couleurs à aucun code, et ne cherche pas non plus à traduire la structure de la musique, mais plutôt son dynamisme, ses tensions, et surtout son impact émotionnel. Il ne faut pas non plus y voir une forme d’expressionnisme lyrique : si la nécessité de s’imprégner et de se laisser envahir par la musique est là, ses toiles demeurent construites. Comme il ne s’enferme pas dans un code couleur, Jacques Hue ne limite pas ses œuvres à un seul format. Pour un seul opus, il peut peindre plusieurs toiles, de formats différents, chacune détaillant un aspect particulier de la musique ou reflétant une perception différente suite à une nouvelle écoute. On pourrait faire une analogie entre sa peinture et les ondes sonores, dont nous parlions plus haut. Une onde sonore seule n’est pas la musique, c’est lorsqu’elle est accompagnée d’autres qu’elle devient une mélodie. Il en est de même pour la peinture de Jacques Hue, faite d’ondes colorées et de signes qui vibrent ensemble.

Contrairement à Jacques Hue, Auguste Herbin a une approche méthodique de la musique et de sa transposition visuelle. Sa recherche d’un langage spirituel universel et commun à tous les arts aboutit à un décryptage précis des propriétés structurelles de la musique, de la peinture et de la sculpture. Partant du constat que la musique a son propre alphabet, il veut en faire de même pour la peinture. Il établit alors un code rigoureux, liant les notes de musique aux formes, aux couleurs et aux lettres de l’alphabet. Conscient des différences intrinsèques entre les deux arts, il va chercher à traduire les propriétés propres à la musique avec les moyens que lui offre la peinture. La musique est communément appelée l’art du temps et elle le compose au moyen de l’organisation des sons et des rythmes. La peinture, qui ne bénéficie pas de cette temporalité, devra donc la faire ressentir de manière spirituelle, par l’organisation des formes et des couleurs dans l’espace pictural. Ses œuvres Ré, si et Fa, sont l’affirmation de ses recherches, et elles combinent aussi bien son alphabet plastique que la musicalité des notes.