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Jean Pierre Colle, Conservateur honoraire

Sons, voyelles, couleurs vous répondent et c’est Vous qui les ordonnerez […].
Ernest Cabaner

Le travail de Jacques Hue est le fruit d’une longue patience, jusqu’à le conduire à l’épure, s’entend à l’essentiel. Étape après étape une dynamique de surface s’est progressivement parée du dépouillement propre à éliminer toute forme narrative qui ne se trouverait pas immédiatement produite dans la geste picturale d’une couleur en mouvement, s’ajoutant une réflexion en creux induite, comme le dit l’artiste, par la proximité sensorielle et simultanée de deux objets : peinture et musique. Au début du XXe siècle, Henri Valensi, initiateur du groupe des Musicalistes, se penchait sur la traduction visuelle du son pour analyser – et mettre en œuvre – l’impact du modèle musical dans les sources de l’abstraction. On convoque à ce propos plus volontiers aujourd’hui le terme de synesthésie et cette mémoire eidétique dont rend compte le poète Daniel Tammet dans son autobiographie Je suis né un jour bleu.

En Ouverture de son étude Musique passion d’artiste (Skira, 1991), Jean-Yves Bosseur écrit : « Depuis des siècles en Occident, peintres et musiciens s’observent et tentent inlassablement d’interroger un art par un autre. […] Le rapport entre musique et arts plastiques ne cesse de faire problème, car il introduit la tension essentielle entre les concepts de temps et d’espace, en tant que deux forces nécessairement complémentaires, dénonçant toute séparation schématique. »

Inspiré par Jean-Yves Bosseur avec lequel il a travaillé, Jacques Hue, en retour, s’interroge et répond au son par la couleur et la forme la plus juste selon de fluides assemblages qui se superposent, se recouvrent sans s’abolir, s’harmonisent en et par transparences, enfin donnent à voir ce qu’il convient d’entendre dans un espace organisé comme l’est celui d’une partition – partition originale vouée, en l’occurrence et par le fait du peintre, à sa transposable exécution, voire à de possibles variations. Ces éléments pris en compte suffisent à structurer la toile et, de ce fait, la libérer des contraintes mécaniques à laquelle elle ne se trouve pas, pourrait-on dire, exposée.


Jean-Pierre Colle